Quant on observe de l’extérieur une séance de shiatsu, il ne semble pas se passer grand-chose. Il y a deux protagonistes, relativement immobiles, l’un est couché, l’autre peut se déplacer. Et encore, un ou les deux ont souvent les yeux fermés. Rien de spectaculaire.
Vu « de l’intérieur », c’est-à -dire du point de vue de celui qui donne ou qui reçoit, beaucoup de sensations peuvent cependant se faire jour : tension, relaxation, douleurs, apaisement, émotions, bien-être… On passe à travers un kaléidoscope pour atteindre finalement un état de détente plus ou moins profond, immédiat ou plus lent.
Certaines personnes voient des couleurs, certaines émotions peuvent s’exprimer violemment, d’autres personnes s’endorment. La séance peut être suivie de symptômes d’évacuation, de crises d’élimination de toxines ou autres, ou pas… Mais en général, rien de spectaculaire.
Pour du spectaculaire, on allait jadis à Lourdes, ou on fréquente encore de nos jours certains gourous ou on va dans une foule. La foule catalyse et démultiplie évidemment les émotions. On peut aussi faire une thérapie émotionnelle qui décharge en un coup toute l’accumulation de tensions. J’ai vu ainsi un jour un ancien militaire démolir un fauteuil à coups de raquette de tennis. Impressionnant. Mais rien à voir avec ce que nous pouvons faire en shiatsu.
Le monde, tel qu’ « interprété » du moins par les humains, ressemble à un grand show où l’exagération est la norme. L’actualité est un show, et beaucoup se mettent en scène individuellement sur les réseaux sociaux, qui ressemblent à des théâtres virtuels. Un spectacle où le meilleur et le plus mauvais goût se côtoient. Dès lors, beaucoup espèrent du spectacle aussi dans leur vie.
Certains clients, après avoir « tout » essayé, viennent faire un shiatsu en dernier recours et voilà donc tout le poids de l’espoir reposant sur nos épaules (musclées, mais quand même). Car c’est à nous alors de résoudre une attente devenue énorme. Ce poids, je ne le prends pas. Je précise alors toujours, au risque de décevoir ces attentes-là : si c’est spectaculaire, ce n’est pas du shiatsu. Il n’est jamais exclu que quelque chose se débloque, qu’un grand soulagement s’installe, qu’un mal tenace s’évacue… mais le vrai travail ne se fait pas là . Le travail se fait en profondeur, dans le patient rééquilibrage de ce qui est perturbé. Une seule séance n’y suffira pas.
Dans la Nature, rien de solide ou de durable ne va vite. Il n’y a que l’humain, dans ses pires travers, pour vouloir tout immédiatement et à bon compte. Le meilleur du shiatsu est dans la durée. Les clients qui viennent depuis longtemps me disent qu’ils se sentent mieux, de manière générale, sans pouvoir expliquer vraiment ce qu’ils ressentent. C’est que leur « terrain » s’améliore et les rend donc plus immunes aux déséquilibres, physiques ou autres, engendrés par la vie.
C’est l’image de l’eau. L’eau passe à travers la roche la plus dure, toujours. Il faudra le temps qu’il faudra, mais le résultat sera là , inaltérable. Dans le corps aussi, les obstacles finissent par lâcher.
Il y a quand même du spectaculaire à la fin d’une session, mais celui-là , le client ne le voit pas tout de suite. Le praticien, oui. C’est lorsque le client, à la fin de la séance, semble avoir un autre visage, comme une métamorphose et sort avec le sourire. Alors, quelque chose a bougé. Le corps va pouvoir entamer son auto-guérison. »